En Avant ! Épisode 3 – Loïc Dosseur : « Numérique, et s’il était temps de passer à l’âge adulte »

En Avant ! Épisode 3

En avant se veut une rubrique résolument tournée vers l’avenir ! 2020, l’année de tous les dangers pour beaucoup, mais peut-être aussi l’année des opportunités, d’une nouvelle donne, en tous les cas il y aura forcément un avant et un après !

L’après sera forcément digital, et alors même que la  Mêlée fête en 2020 ses 20 ans, il nous semblait naturel d’interroger 20 personnalités du numérique qui partagent avec nous leur vision de la « France digitale de demain », et nous souhaitent bien sûr un « bon anniversaire » !

La rédaction de midenews.

 

 

Loïc Dosseur : Numérique, et s’il était temps de passer à l’âge adulte

Loïc Dosseur de Paris&co

 

Numérique et s’il était temps de passer à l’âge adulte

 

Quand Edouard Forzy m’a proposé de rédiger quelques lignes pour vous exprimer ma vision, quelle idée, de ce futur post Covid et surtout pour célébrer les 20 ans de la Mélée Numérique, j’ai foncé vers… mon bloc papier pour y jeter mes idées.

Bloc papier, vous savez cet objet insolite il y a encore deux mois mais qui a repris place à côté de votre ordinateur, j’en suis sûr, tant vos yeux sont saturés d’écran, de visio en tout genre. Un investisseur me disait en blaguant cette semaine qu’il avait eu du mal à trouver un créneau chez lui. Blaguait-il vraiment ?

Ce papier retrouvé, sur lequel le crayon recommence à glisser avec plaisir m’a finalement décidé à passer par le passé pour vous parler de l’avenir, pour vous parler du numérique.

 

L’an 2000, la divine Mélée Numérique est née

 

Soyons clairs, en bon normando-parisien je n’ai aucune idée de ce qui a procédé de la naissance de la Mélée Numérique à Toulouse en cette année 2000. Peut-être quelques visionnaires ayant passé leurs nuits à résoudre les risques du bug de l’an 2000, anciens alchimistes parlant les langues mortes de l’informatique, ou alors de nouveaux venus baignés des messages d’outre Atlantique, de la Silicon Valley. En tout cas, nous pouvons leur rendre hommage car en regardant de plus près cette époque si proche et pourtant déjà si lointaine sur le plan techno et usage nous pouvons voir combien ils étaient pionniers.

Faisons ce rapide saut dans le passé, c’est toujours instructif pour parler de l’avenir.

Nous voici donc courant 2000, commencez par brancher votre Modem 56K Olivetti et guettez ces petits bips indiquant que la connexion est établie. Vous allez pouvoir surfer. Pensez bien à jeter votre smartphone, à effacer Facebook, Twitter, Instagram, et autres réseaux dits sociaux, à couper Netflix et à rallumer votre télé en espérant que votre série préférée passera bien ce soir. Vous n’aurez pas le choix.

Vous faites partie de ces 10% de français ayant un abonnement à internet grâce à AOL, Club Internet ou Liberty Surf, service que vous avez pu atteindre en installant un logiciel sur CDrom. Et vous voilà sur Altavista pour faire vos recherches sur l’un des 10 millions de sites Internet disponibles (1,7 milliards aujourd’hui). Il parait que certains rebelles utilisent la Beta de Google, une startup californienne qui permet d’éviter de confier ces données au géant Yahoo !

Bon, nous n’allons tout de même pas aller jusqu’à confier notre numéro de carte bleue à l’un de ces sites, le Minitel reste quand même bien plus sûr (25 millions d’utilisateurs en France).

Et la Mélée Numérique arriva dans ce paysage.

 

De la frugalité numérique à l’hyper consommation

 

Nombre d’entre vous décrirait mieux que moi l’extraordinaire explosion du numérique durant ces 20 années. La montée des capacités technologiques, des services, de la mobilité connectée, de la révolution des usages, de la dématérialisation massive… Nombre d’entre vous saurait mieux que moi analyser les impacts sur nos sociétés de cette révolution, impacts sur l’éducation, l’information, la gouvernance des sociétés, des nations, sur l’environnement aussi.

Tout cela est très jeune, et à l’image d’un jeune adulte de 20 ans, encore vaguement adolescent, le numérique doit entrer dans sa phase de première maturité. En ce moment, notre adulescent numérique a un sérieux problème d’appétit, il en devient destructeur.

L’expérience que nous vivons, un confinement mondial unique dans l’histoire de l’humanité, aurait-il été possible en 2000, sans les capacités actuelles du numérique ? Probablement pas et nous n’avions pas imaginé que cela pourrait arriver.

De ce fait, durant cette période, nous avons atteint un sommet dans les usages numériques, faisant basculer à grande vitesse des organisations entières vers le travail à distance, des systèmes éducatifs, culturels, sociaux dans l’univers de l’écran interposé. Il nous a aidé à tenir, pour nombre d’entre nous à maintenir actives nos organisations, garder des liens avec nos proches ou encore à nous divertir. Mais notre consommation numérique a été démultipliée faisant régulièrement tomber les services les plus robustes. Avec une série d’impacts relativement invisibles qui seront nos sujets de demain.

 

Un numérique mature au service de la société

 

Chez Paris&Co, l’agence que j’ai le plaisir de diriger, nous nous sommes donnés pour mission de faire de l’innovation un levier pour une transformation durable de la cité. Nous avons la conviction que l’innovation, bien souvent forte consommatrice de numérique, est un formidable outil pour le développement de l’économie mais aussi le service aux habitants, aux usagers de la ville. Le défi que nous devons relever, instruits par cette crise exceptionnelle, c’est de ne pas laisser le numérique prendre le dessus, devenir omnipotent, faire de nous des esclaves asservis par la donnée. Il y a en premier lieu cet impact environnemental désastreux qu’entraine l’hyper consommation numérique mais il y a aussi la création d’un fabuleux système de dépendance à des organisations privées échappant à tout forme de règle collective. Nous devons œuvrer à un numérique mature, plus frugal, résolument au service la société .

Les mois et années à venir vont être déterminants car profondément marqués par cette crise de société. L’économie se relèvera, elle mettra du temps mais elle se relèvera, mais nous devons agir puissamment tant que le traumatisme est là et nous pousse à changer les choses avec détermination. Les crises passent, le temps efface les séquelles, l’oubli prend le dessus, préparant la crise suivante, plus violente. La Mélée Numérique, comme Paris&Co, est un lieu pour forcer le changement, organiser les échanges, le dialogue entre les contraires, parier sur l’intelligence, la science et la société. C’est un outil précieux pour aller de l’avant avec optimiste en mobilisant le meilleur de la connaissance et de l’innovation. Longue vie à la Mélée Numérique.

 

 

De formation économique, Loïc Dosseur a créé et développé différents outils de financement alternatif destinés aux entreprises. Dans différentes régions et dans des champs aussi variés que la création de TPE en zone urbaine sensible, la transmission de PME ou l’appui à l’innovation.

De 2010 à 2014, après avoir dirigé Wilco, fonds de prêts d’honneur régional dédié à l’innovation, il a rejoint Jean-Louis Missika, adjoint au maire de Paris en charge de l’innovation, de la recherche et des universités comme chef de cabinet et conseiller en innovation. Il est intervenu en particulier dans le renforcement de la dynamique d’innovation à Paris et dans la réalisation du programme immobilier de 100.000M² à destination des startups.

Depuis juin 2014, il est Directeur Général de Paris&Co, agence de développement économique et d’innovation de Paris et de la métropole. Son action porte sur le développement de plateformes d’innovation ouverte en lien avec plus de 100 grandes entreprises, incubation de plus de 400 startups, conduite de programmes d’expérimentations urbaines, création de grands événements.